HISTOIRE


 

  QUELLE HISTOIRE ?

 

Le site de Castries, de par sa situation au sommet d'une colline au milieu de la plaine du Languedoc, a toujours été un lieu privilégié d'observation et de surveillance. La présence, depuis de nombreux siècles, d'un château a donné à ce territoire un rôle seigneurial et les maîtres des lieux ont rapidement contribué à l'histoire administrative, politique, religieuse et militaire de la région et de la France. En particulier la famille "de La Croix", qui deviendra "de La Croix de Castries" suite à son implantation à Castries, apportera les honneurs à son fief qui passera successivement de baronnie en marquisat puis en duché.

     La famille "de La Croix de Castries" a, pendant plus de quatre siècles, contribué à la grandeur de la France. Qu'ils aient été militaires, sur terre ou sur mer, ou ecclésiastiques, pour les hommes; artistes, religieuses ou simples épouses pour les femmes, tous les membres de la famille ont été de fervents et ferventes royalistes tout en respectant après la révolution française les choix de la nation. La devise de la famille "de La Croix de Castries" est "Fidèle à son Roi et à l'Honneur".

     L'histoire mouvementée du château de Castries n'a pas empêché la famille de rester très attachée à son fief et de faire tout ce qu'elle pouvait pour le garder sous son contrôle. L'histoire de la famille et celle du château sont donc fortement corrélées, jusqu'en 2013 où la municipalité de Castries est devenue propriétaire de l'ensemble du patrimoine (château, parc, aqueduc, dépendances, mobilier).

 

 

QUELQUES DATES REPÈRES CONCERNANT

LE CHÂTEAU et L'AQUEDUC DE CASTRIES

- 1565 : début de construction d'un château par Jacques de La Croix de Castries et son épouse Diane d'Albenas.

- 1622 : Castries et son château sont dévastés lors des guerres de religion, par le Duc de Rohan.

- 1660-1663 : le château subit de nombreuses modifications.

- 1666 : René-Gaspard de La Croix de Castries, premier Marquis de Castries, agrémente le château d'un parc (A. Le Nôtre).

- 1670 : René-Gaspard entreprend la construction de l'aqueduc, terminé en 1676 (P.P. Riquet).

- 1789 : le château est saisi comme bien national.

- 1792 : pillage du château.

- 1794-1801 : vente par lots du domaine de Castries à des privés (voir ci-dessous).

- 1828 : Edmond-Eugène-Philippe-Hercule de La Croix de Castries, deuxième Duc de Castries,  rachète le château.

- 1886 : le château devient la propriété de la famille d'Harcourt.

- 1936 : la famille d'Harcourt cède le château au Duc René de La Croix de Castries.

- 1985 : le Duc René de La Croix de Castries, Académicien, lègue le château à l'Académie Française.

- 1986 : Décès du Duc René de La Croix de Castries.

- 2003 : Constitution d'un groupe de bénévoles actifs : les "débroussailleurs de l'aqueduc".

- 2013 : La municipalité de Castries rachète l'ensemble du patrimoine à l'Académie Française.

- 2015 : Création de l'Association des Amis du Château de Castries (AACC).

- 2018 : début des travaux de restauration du château et de sa cour d'honneur (fin prévue en 2021).

- 2020 : en Février, inauguration de l'aile Ouest du château.

- 2021 : en Septembre, début de restauration du mobilier par les bénévoles de l'AACC.

- 2022 : en Septembre, inauguration de la deuxième tranche      des travaux.

 



UN DUEL POLITIQUE

      Voila un pan bien oublié de l'histoire de France au moment de la révolution de 1789 ! Et pourtant il a tout pour attiser l'intérêt avec amitiés, passions, engagements politiques, courages, traîtrises, soulèvements populaires, pillages, destructions. Il s'agit du duel à l'épée entre le Comte Charles de Lameth et le Duc Armand-Charles-Augustin de La Croix de Castries en Novembre 1790 et de ses conséquences variées et parfois dramatiques. Ou comment l'amitié entre deux hommes, forgée au moment de la guerre d'indépendance américaine (1780-82), se dégrade pour des raisons politiques et mène les anciens amis jusqu'au duel puis au soulèvement brutal du peuple de Paris et de certaines provinces. Le casting de l'événement est somptueux : des personnages hauts en couleur comme Mirabeau, Barnave, Marat, Saint-Simon, Beauharnais, mais aussi le Marquis de Lafayette et la Princesse de Tarente, avec en fond de décor le roi Louis XVI, la reine Marie-Antoinette, l'Assemblée Nationale et, bien sûr, le peuple français.

 

Chapitre 1 – Les acteurs.

- Charles-Malo de Lameth (1757-1832). Il appartenait à la famille de Lameth, de noblesse française d’extraction chevaleresque du début du 14e siècle. Le château familial des de Lameth était à Hénencourt dans la Somme et était surnommé « le petit Versailles Picard » ! Charles-Malo avait trois frères, Augustin (1755-1837), Théodore (1756-1854) et Alexandre (1760-1829). La famille de Lameth était très présente à la cour du roi à Versailles. Les quatre frères embrassèrent la carrière militaire au service du roi de France et les trois plus jeunes participèrent à la guerre de l’indépendance américaine en 1780 et 1781.

- Armand-Charles-Augustin de La Croix de Castries, Comte de Charlus (1756-1842). Fils de Charles-Eugène-Gabriel de La Croix, Marquis de Castries et futur Maréchal de France, et de Gabrielle de Rosset de Rocozel de Fleury, son épouse. Au 18e siècle la famille de Castries habitait à Paris le beau quartier du Faubourg Saint Germain, rue de Varenne. Elle était très présente à la Cour du roi à Versailles, Charles-Eugène-Gabriel ayant une réputation flatteuse suite à sa victoire sur les troupes Anglo-Prussiennes à Clostercamp en 1760. Le jeune Armand, pas encore Duc, embrassa la carrière militaire au service du roi de France et chercha rapidement à s’illustrer par les armes. La guerre de l’indépendance des 13 états d’Amérique du Nord fut l’occasion rêvée.

 

Chapitre 2 - Amis à la Guerre.

- Armand-Charles-Augustin était ami avec le Marquis de La Fayette, lui aussi très présent à la cour de Versailles. En Mars 1780 La Fayette partit pour la seconde fois en Amérique pour aider les colons anglais qui se rebellaient contre le pouvoir de Londres. Nourri de l'esprit de revanche contre les anglais après le désastreux traité de 1763, qui avait vu la France perdre beaucoup de ses colonies, Armand chercha à joindre cette aventure. Il put se faire nommer Colonel en second du régiment de Saintonge qui était justement en train de se rassembler à Brest pour partir avec une importante escadre vers Newport en Amérique du Nord. En Avril 1780 il se trouva donc embarqué sur le "Jason", vaisseau de 74 canons dans l'escadre commandée par le Chevalier de Ternay.

- Charles-Malo s'intéresse, comme ses frères, à ce qui se passe en Amérique du Nord et aux actes de rébellion des insurgés vis à vis du pouvoir de Londres. Alors qu'une armée est en formation pour rejoindre l'Amérique, Charles-Malo est nommé aide de camp général des logis du Comte de Rochambeau, général qui va commander cette armée, à côté de l'armée de Georges Washington. L'armée de Rochambeau, forte de 6000 hommes, doit traverser l'Atlantique dans l'escadre de Ternay et Charles-Malo se trouve donc lui aussi en Mars 1780 en attente d'embarquement sur les quais du port de Brest. Il sera, comme Armand-Charles-Augustin et de nombreux officiers supérieurs, embarqué sur le "Jason". L'escadre de Ternay quittera Brest le 2 Mai 1780 et choisira la route par le Sud en espérant rejoindre l'Amérique en 30 à 40 jours.

 

Chapitre 3 - Une longue attente.

En fait la traversée dura 70 jours ! Elle fut l'occasion pour Armand d'écrire un journal dans lequel il exprimera tout le mal qu'il pensait de la Marine Royale, très indisciplinée et mal formée à son gout. Charles-Malo plongea dans la lecture, et la promiscuité imposée renforça son amitié pour Armand. Après plusieurs périodes de calme plat et quelques escarmouches avec des navires anglais, l'escadre arriva enfin à Newport (Rhode-Island) le 11 Juillet et l'armée de Rochambeau installa son campement à l'écart de la ville. Une attente de plusieurs mois s'ensuivit, le temps de rassembler les troupes américaines, de les accorder avec les troupes françaises, de définir une stratégie d'attaque de l'armée anglaise et de compter sur la flotte française pour la protection des côtes. Armand et Charles-Malo mirent à profit cette longue attente pour s'intéresser à la société américaine et effectuer quelques randonnées dans le pays. L'attente dura jusqu'en Mai 1781 !

 

Chapitre 4 - Une marche vers la victoire.

Décision fut prise en Juin 1781 de faire converger les deux armées, de Washington et de Rochambeau, vers le Sud et la Virginie où se trouvait concentré le gros des troupes anglaises.

(à suivre)


L'HÔTEL de CASTRIES de PARIS

Durant le dix-huitième siècle, les Marquis de Castries, bien qu'étant gouverneurs de Montpellier et Sète, vivaient la plupart du temps à Paris pour participer à la vie de la Cour à Versailles. Ils habitaient alors dans le quartier le plus chic de la capitale, le Faubourg St Germain, au 72 rue de Varenne, un hôtel particulier : l'hôtel de Castries. Cet hôtel a appartenu à la famille de Castries jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle et est devenu propriété de l'état après la seconde guerre mondiale. Il abrite maintenant un ministère de la République.


VOUS ACHÈTEREZ BIEN UN MORCEAU DU DOMAINE DE CASTRIES ?! ...

À partir de 1792 et pour renflouer ses finances, l'état français avait décidé la vente des biens des émigrés suite aux événements de 1789. À Castries cela a concerné, bien sûr, les possessions du Marquis de Castries, Charles-Eugène-Gabriel de La Croix, Maréchal de France, émigré à partir de 1789 en Suisse puis en Allemagne. De 1794 à 1795 le domaine que possédait le Marquis est vendu en 104 lots (62 lots de terre labourable, 10 lots d'olivettes, 1 vigne, 22 lots de bois, 9 lots en château, bâtiments d'exploitation, tuilerie, moulin à huile et four à cuire). Les biens sont vendus aux enchères. Les acquéreurs sont 25 Castriotes, 1 Vendarguois et 10 Montpellierains. C'est Bruno Laval de Montpellier qui acquiert le château pour 58.000 livres (environ 600.000 euros actuels).

De nouveau entre 1796 et 1801 ce sont 15 lots (Domaine du Rou, bois, parcelles de terre) qui sont vendus.

Ce morcellement durera 34 ans et en 1828 Edmond-Eugène-Philippe-Hercule de La Croix, futur second Duc de Castries, rachètera le domaine et son château !


1985

" Le Don du Duc"

En 1985 le Duc René de Castries décida de faire don de son château à l'Académie Française dont il était membre depuis 1972. Il invita donc ses collègues et ami(e)s Académicien(ne)s à une visite de "séduction" sur ses terres. Treize firent le déplacement ce qui permit au Midi Libre de publier dans son édition du 16 Mai l'article suivant :

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À l'occasion de ce séjour des Académiciens à Castries, un des leurs, Félicien Marceau, prit la plume et exprima la reconnaissance de l'Académie par un joli compliment, en vers, adressé au Duc et à la Duchesse de Castries :

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1965

UN BEAU DOCUMENT SUR LE CHÂTEAU DE CASTRIES

issu de "Merveilles des Châteaux de Provence", Hachette 1965.

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UN ARTICLE SUR LA FAMILLE "de castries" et son château

Issu de la revue "Points de vue Images du monde" n°938, Juin 1966, dans la rubrique "Noblesse oblige".

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LE BUSTE DE " LOUIS XIV " (?!)

    Depuis des décennies on entend que le majestueux buste en marbre qui trône en façade dans la cour d'honneur du château de Castries représente le roi Louis XIV. Il est vrai que le Duc et Académicien René de Castries avait largement contribué à accréditer la chose en la publiant depuis les années 1950 dans de nombreux ouvrages. Eh bien il est maintenant clair que ce n'est pas le buste de Louis XIV !!!

 

    En recherchant l'origine de l'expression "ET LUCET ET TERRET" inscrite sur la base de ce buste, il est apparu qu'un BUSTE IDENTIQUE (voir les Fig 1 et 2) existait au Musée de Liverpool (Lady Lever Arts Gallery, UK), attribué au sculpteur italien Giovacchino Fortini et représentant le Grand Prince Ferdinando III di Medici (Ferdinand III de Médicis, 1663-1713). Le Musée de Liverpool, qui a acheté ce buste en 1922 chez le spécialiste des ventes d'œuvres d'art Christie's à Londres, a la certitude de l'attribution du buste à Ferdinand III (il avait été expertisé au début du 18ème siècle et aurait été réalisé en 1700). Or ce buste, en plus de la ressemblance parfaite, porte lui aussi l'inscription "ET LUCET ET TERRET" et un écusson très particulier. Cet écusson, qui est sculpté sur le torse des deux bustes (Fig 3), représente un paysage avec des nuages et un éclair qui barre le ciel. L'écusson et l'inscription s'accordent merveilleusement ("ET LUCET ET TERRET" peut être traduit par "et la lumière et la terreur"). Est ce que ces deux éléments ont quelque chose à voir avec Louis XIV ?? Pourquoi pas mais alors il faudrait des preuves et nous n'en avons aucune.

 

    Par contre, en cherchant bien, des éléments nouveaux nous permettent d'être plus conclusif. La gravure de la Fig 4 représente Ferdinand III de Médicis vers 1700 à l'âge de 37 ans, par l'artiste italien Bianchini. On y voit dans le bas de la gravure le blason de Ferdinand III (un ciel nuageux avec un éclair barrant le ciel)  ainsi que l'inscription (de gauche à droite en 6 syllabes) sur le faisceau de lauriers "ET LU CET   ET TER RET" (Fig 5). En plus il faut noter que le même blason avec la même inscription existe aussi sur une gravure représentant Ferdinand III en 1673, à l'âge de 10 ans (Fig 6). Donc ces éléments caractérisent bien la personne de Ferdinand III et sont sa signature. On voit mal comment une sculpture censée représenter le roi de France porterait la signature d'une personnalité étrangère!

 

Notre majestueux buste Castriote n'est donc pas celui de Louis XIV !!

 

Épilogue : nous avons découvert en Septembre 2018 dans les archives du château un document (facture + photo) qui montre que le buste de Castries a été acheté par le Duc René en 1937 à un antiquaire de Toulouse pour la somme de 7000 francs. Cet antiquaire présentait le buste comme étant celui de Louis XIV mais sans expertise !!

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Les "de La Croix de Castries" et les archives familiales.

 

     La seigneurie de Castries est mentionnée dans les textes à partir du XIe siècle. Il y avait là, sur une butte naturelle où s'élèvent encore aujourd'hui le château et le village aggloméré à ses côtés, un emplacement idéal dominant d'un côté la plaine et les étangs littoraux et permettant de surveiller, de l'autre, les ondulations de la zone des garrigues barrées, à l'horizon, par le mont Aigoual et les Cévennes. Le nom latin Castra qui survit encore dans un document du IXe siècle transcrit au cartulaire de l'abbaye d'Aniane, évoque l'existence en ce lieu d'une position romaine fortifiée surveillant le passage de la voie Domitienne (via Domitia).

 

     Au Moyen Âge les barons de Castries, vassaux peu dociles des comtes de Melgueil, possédaient une bonne partie de la plaine entre les fleuves côtiers Vidourle et Lez, et se trouvaient ainsi voisins des seigneurs de Montpellier, les Guilhem. Cette première famille des seigneurs de Castries s'éteignit, du reste, vers le milieu du XIIe siècle, dans celle des Guilhem. Les rois d'Aragon, successeurs des Guilhem à Montpellier, inféodèrent la baronnie de Castries aux seigneurs de Peyre en Gévaudan ; des chartes de cette période figurent au chartrier de Castries. Les Peyre conservèrent la baronnie de Castries jusqu'en 1495, où elle passa dans la famille des La Croix qui la détenaient encore récemment. Les de La Croix sont une très ancienne famille montpellieraine, venue peut-être à Montpellier dans l'entourage des rois de Majorque.

 

     Au milieu du XIVe siècle Jean de La Croix était trésorier des États de Languedoc. En 1362, en qualité de trésorier et receveur de la rançon du roi Jean le Bon dans la baronnie de Montpellier, il délivrait aux consuls de cette ville un reçu de la somme de 4 583 francs pour leur participation. En 1415 le roi Charles VI donnait en fief à Jean de La Croix, chevalier de Montpellier, sans doute petit-fils du précédent, 60 livres de rente sur la ville de Saint-Félix. Au milieu du XVe siècle Guillaume de La Croix, fils d'un Jean de La Croix avait à Montpellier une situation considérable puisqu'on le trouve consul en 1466; en 1473, toujours en qualité de consul, il est chargé de missions à Béziers puis à Pézenas auprès du cardinal d'Amboise, évêque d'Albi, alors président désigné des États et lieutenant du gouverneur de Languedoc. En 1489, trésorier des guerres en Languedoc, il fut chargé de présenter le point de vue des États à un procès que ceux-ci avaient à soutenir devant le Parlement de Paris. Personnage important de l'administration provinciale sous les règnes de Louis XI, Charles VIII et Louis XII, il fut appelé à siéger à plusieurs reprises en qualité de commissaire du roi aux États de Languedoc. On le trouve, de 1494 à 1498, gouverneur de Montpellier; il fut aussi gouverneur des châteaux de Lattes et d'Aumelas. Déjà seigneur de Gordièges et de Saint-Brès, il acquit, en 1495, la baronnie de Castries, ce qui fit de lui un des dix-neuf barons ayant droit d'entrée aux États de Languedoc.

René-Garpard de La Croix de Castries

Blason de René-Garpard de La Croix de Castries, premier Marquis de Castries, grand-père de Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries (Château de Castries).

Son fils Louis, baron de Castries, seigneur de Saint-Brès, était président de la Cour des aides de Montpellier en 1503 ; il assista en qualité de commissaire du roi aux États de Languedoc tenus en novembre 1519. Henry, fils aîné de Louis, opta pour la carrière des armes, ouvrant ainsi à la famille une voie dans laquelle elle devait s'illustrer. Henry avait épousé, en 1536, Marguerite, fille du seigneur de Figaret. Leur fils Jacques, gouverneur de Sommières, Gignac et Frontignan, épousa Diane d'Albenas, fille du seigneur de Collias ; c'est lui qui construisit le château de Castries actuel; une inscription encore conservée date de 1565, au commencement des travaux. Demeuré fidèle au roi au cours des troubles religieux, il reçut en 1574, pour le compte de Charles XI, la soumission de la ville de Pézenas.

 

De son mariage avec Diane d'Albenas Jacques de La Croix avait eu deux fils : l'aîné, Jean, mourut jeune, laissant un fils de même prénom; le cadet, Gaspard, seigneur de Meyrargues est l'auteur de la seconde branche qui seule subsiste aujourd'hui. Petit-fils de Jacques, Jean de La Croix, baron de Castries, seigneur de Gordièges, gentilhomme ordinaire de la Chambre, servit dans la compagnie d'ordonnance du duc de Montmorency en 1621 et combattit pour le roi dans les guerres religieuses qui sévissaient alors en Languedoc. Gouverneur de Privas, il tint tête au duc de Rohan, chef des protestants ; ce dernier dut lever le siège. Dans sa retraite vers Montpellier, Rohan se vengea de son échec en s'attaquant particulièrement au château de Castries dont on dit qu'il incendia l'aile est.


Son fils René-Gaspard se signala par ses faits d'armes pendant la guerre de Trente Ans. En 1645 il obtint l'érection de la baronnie de Castries en marquisat. Il aménagea l'aile Ouest du château dont il fit un salon immense "dans le dessein de tenir les États de Languedoc en sa propre maison", et il fit appel à Le Nôtre, qui venait d'achever le parc de Vaux-le-Vicomte, pour dessiner le jardin. Pour obtenir l'eau nécessaire René-Gaspard fit construire un immense aqueduc qui amenait l'eau d'une source distante de près de sept kilomètres. C'est l'ingénieur Pierre-Paul Riquet, dont le marquis de Castries avait soutenu, aux États de Languedoc, le projet de construction du canal des Deux-Mers (canal du Midi), qui établit les plans de l'aqueduc ; celui-ci était toujours en service il y a quelques décennies et ses immenses arcades font partie du paysage familier de la garrigue aux environs de Castries.

Le fils de René-Gaspard, Joseph-François, second marquis de Castries, épousa en deuxième noces en 1722 la fille du duc de Lévis ; de cette union allait naître en 1727 le plus illustre membre de la famille : Charles-Eugène-Gabriel. Orphelin de bonne heure, celui-ci fut élevé, ainsi que ses deux frères, par leur oncle Armand-Pierre de La Croix de Castries, archevêque d'Albi.

A l'âge de douze ans il fut admis en qualité de sous-lieutenant au régiment du Roi-Infanterie et fit bientôt ses premières armes, pendant la guerre de succession d'Autriche. Il faisait partie de l'armée française qui prit Linz au mois d'août 1741 et se trouva dans les rangs des troupes qui furent enfermées dans Prague ; il fut ainsi amené à participer à la difficile retraite de l'armée française, en décembre 1742. La mort de son frère aîné, qui ne survécut pas aux fatigues de cette pénible retraite, fit de lui le quatrième marquis de Castries, gouverneur de Montpellier et de Sète et lieutenant du roi en Bas-Languedoc. Mestre de camp au régiment du Roi-Cavalerie, il se signala en 1745 à la bataille de Fontenoy, où son comportement devait lui gagner l'amitié de Maurice de Saxe.

La guerre de Sept Ans, qui s'engagea dans l'été de 1756 lui donna l'occasion d'accéder à la gloire militaire : après une mission en Corse il servit en Allemagne dans l'armée du maréchal de Broglie et à cette occasion remporta, le 16 octobre 1760, la brillante victoire de Clostercamp, rendue célèbre dans nos annales par le dévouement héroïque du chevalier d'Assas. Cette victoire coupait la route des Flandres à l'armée anglo-hanovrienne et prévenait ainsi l'invasion du territoire national.

Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries

Portrait de Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries

(Musée d'Alès)


Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries

Portrait à la plume de Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries, probablement vers 1765 (Château de Castries).

Reçu dans l'ordre du Saint-Esprit le 30 mai 1762, le marquis de Castries était, la même année, nommé directeur général de la cavalerie et gouverneur du Lyonnais et du Forez. En 1770, Choiseul le nommait au poste envié d'inspecteur général de la gendarmerie.

 

En 1767, sa fille Adélaïde-Marie-Gabrielle épousait le vicomte de Mailly. En 1777 il achetait le comté d'Alès dont les fiefs, répartis en couronne autour de cette ville englobaient au Sud Saint-Hilaire-de-Brethmas et Saint-Christol, remontaient à l'Ouest la vallée du Gardon depuis Anduze jusqu'à la Vallée française en Gévaudan, atteignaient au Sud-Est Méjannes et Mons où ils confrontaient aux domaines du duché d'Uzès, puis remontaient vers le Nord, de Saint-Martin-de-Valgalgues jusqu'au Mas-Dieu et à Notre-Dame de Laval.

 

Il y ajoutait peu après la seigneurie voisine de Saint- Andéol-de-Trouilhas dont le charbon de terre était exploité depuis le Moyen Age.

 

L'année suivante il mariait son fils, Armand-Charles-Augustin, comte de Charlus, avec Adrienne de Bonnières, fille du duc de Guines, ancien ambassadeur de France à Londres. Le mariage fut célébré en présence du roi et de la reine, et le comte de Charlus recevait à cette occasion la promesse que le duché héréditaire de son beau-père serait reporté sur la terre de Castries.


En juillet 1778 la France entrait en guerre contre l'Angleterre pour soutenir les jeunes États-Unis d'Amérique luttant pour leur indépendance. Deux ans plus tard, le marquis de Castries était appelé à remplacer Sartine au ministère de la Marine et des Colonies. Le nouveau Ministre poursuivit l'œuvre de son prédécesseur pour ce qui touchait à l'organisation et au renforcement des forces maritimes, mais il fit adopter une stratégie nouvelle dans la conduite de la guerre navale : renonçant au projet d'invasion de l'Angleterre auquel on avait tout d'abord songé, il fit décider que la guerre serait au contraire intensifiée sur les théâtres d'opérations lointains, et ce fut lui qui donna leurs commandements au bailli de Suffren et à l'amiral de Grasse. La victoire de Yorktown (19 octobre 1781) qui devait définitivement incliner le sort en faveur des insurgés américains fut acquise grâce à l'intervention décisive de l'amiral de Grasse ; cet événement attestait à la fois de la justesse des vues du ministre pour ce qui touchait à la conduite de la guerre et sa clairvoyance dans le choix des hommes. En 1783 il recevait le bâton de maréchal de France. Évincé du ministère de la Marine et des Colonies en 1787, il demeura désormais à l'écart de la vie politique. Louis XVI voulut le rappeler au ministère le 13 juillet 1789, mais Charles-Eugène-Gabriel, trouvant la situation désespérée, refusa de revenir au pouvoir et, devant les troubles qui se développaient, il partit pour la Suisse au mois d'octobre 1789.

Son fils, qui avait été créé duc de Castries en janvier 1784, peu après la fin de la guerre d'Amérique à laquelle il avait brillament pris part sous les ordres de Rochambeau, participa d'abord au mouvement des idées nouvelles et fut élu député de Paris aux États Généraux. Un litige profond avec Charles-Malo de Lameth allait entrainer un duel à l'épée (voir ci-dessus) puis le pillage de l'Hôtel de Castries à Paris. Devant le déroulement dramatique des événements il prit à son tour la route de l'exil ; il allait y jouer un rôle important comme agent diplomatique, puis comme colonel du régiment de Castries de 1795 à 1801. Il ne devait rentrer en France qu'en 1814.
Le maréchal, quant à lui, était d'abord demeuré à l'écart de la vie politique, mais en novembre 1791 Louis XVI lui confia la mission d'être son représentant auprès des princes émigrés. Après la mort de Louis XVI, il devint le principal conseiller du comte de Provence qui avait pris le titre de Régent, et la série des notes qu'il rédigea ainsi que la correspondance qu'il entretint jusqu'à sa mort en 1800 sont une source de premier ordre pour l'étude de l'émigration pendant cette période.

 

Pendant ce temps le château de Castries, mis sous séquestre, avait été pillé par une bande d'émeutiers venus de Montpellier. « En 1793 les biens des Castries en Languedoc étaient mis aux enchères et adjugés en cent quarante-quatre lots. Quatorze propriétaires différents se partagèrent le château ... ».

En 1802, après la paix d'Amiens, le comte Jean-François de Castries, neveu et aide de camp du maréchal, ramena en France le fils du duc de Castries, Edmond-Hercule, né en 1787 et dont la mère, née de Guines, était morte à Eisenach (Allemagne) en 1795.

Armand-Charles-Augustin de La Croix de Castries

Portrait d'Armand-Charles-Augustin de La Croix de Castries, Comte de Charlus, fils de Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries (château de Castries).


Le jeune Edmond-Hercule suivit, comme ses aïeux, la carrière des armes ; il servit comme aide de camp du maréchal Davout dans l'armée impériale et devait être promu général en 1823. Avec méthode et ténacité il entreprit de réparer les dégâts provoqués par la Révolution. En 1828 il racheta une partie des domaines languedociens des Castries et notamment le château dont il entreprit la restauration ; il s'attacha aussi avec beaucoup de soin à rassembler les titres épars de la famille. Ceux de la baronnie de Castries avaient sombré dans le pillage du château et il ne subsistait qu'un petit nombre de documents, en particulier des pièces de gestion provenant des comptes de Louis Pégat, ancien receveur des domaines de Castries. Ayant quelques domaines en Artois, provenant de la succession de sa mère, Edmond-Hercule se préoccupa de retrouver les archives des Guines et les fit transporter à Castries, ainsi que celles du comté d'Alès qu'il réussit à retrouver. Il mourut en 1866 sans descendance.
Edmond-Hercule avait légué le château de Castries à son neveu Edmond-Charles-Auguste, troisième duc de Castries, qui mourut en 1886. Sa veuve épousa le vicomte Emmanuel d'Harcourt, ancien secrétaire général de la Présidence de la République, cousin de son premier mari. Elle devait lui léguer le château qui devint donc la propriété des d'Harcourt.

Après la mort du vicomte d'Harcourt ses héritiers cédèrent, en 1936, le château de Castries à René-Gaspard-Marie-Edmond de La Croix, dit le Duc de Castries, de la branche des seigneurs de Gaujac, qui en fut le propriétaire jusqu'en 1986.

René-Gaspard-Marie-Edmond de La Croix, dit le Duc de Castries, au XXème siècle, s'est employé à compléter l'œuvre que le général Edmond-Hercule de Castries avait commencé au XIXème siècle, en amenant au château toutes les archives qui se trouvaient à Gaujac. Bien plus, il réussit à retrouver à Paris, dans un grenier de l'hôtel de Mac-Mahon (la maréchale de Mac-Mahon était l'arrière-petite-fille du maréchal de Castries) les papiers personnels du maréchal de Castries pendant l'émigration ; ceux-ci appartenaient alors à Mme de Piennes, fille du maréchal de Mac-Mahon, qui voulut bien autoriser le duc de Castries à les joindre aux autres archives; elle lui remit en même temps le Journal du maréchal de Castries qu'elle conservait. Poursuivant encore ses recherches le duc de Castries réussit à joindre au fonds ainsi complété de nouvelles pièces concernant le maréchal et son fils, le premier duc de Castries ; parmi ces documents, certains provenaient du chevalier de Léonard, qui avait été secrétaire du maréchal de 1796 jusqu'à sa mort en 1800. Ainsi ces efforts échelonnés sur plus d'un siècle ont permis de reconstituer un ensemble imposant qui, avec ses mille sept cent vingt cotes, constitue un des chartriers privés les plus importants que les services de la direction des Archives de France aient eus jusqu'à présent à traiter. Malgré quelques pertes dont il ne faut pas trop s'étonner, car bien rares sont les fonds d'archives que les vicissitudes de l'histoire ont laissé parvenir intacts jusqu'à nous, le chartrier de Castries (voir dans la rubrique "Trésors du château") offre un ensemble documentaire d'un éminent intérêt.

(d'après Jean SABLOU, ancien directeur des services d'archives du Gard)


 Propos sur le Marquis de Castries, Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries, en 1761.

 Extrait tiré de "Chroniques pittoresques et critiques de l'Oeil de Boeuf", Barba Ed., Paris, 1845.

 

     ... Malheureusement, depuis que Soubise dirige une grande armée, il fut presque toujours mal secondé, si ce n'est par le Marquis de Castries. Disons un mot de ce dernier :

     "C'est un homme d'un commerce solide, et qui ne sacrifie point aux grâces. Il ne manqua jamais ni à la dignité ni à la délicatesse; l'honneur est son mot sacramentel. Mais l'ambition du marquis, renfermée dans la ligne de ses devoirs, n'en acquiert que plus de force et d'impétuosité; elle se forme une perspective immense : Castries vise à la fois au commandement des armées, aux ambassades, au ministère; il est juste d'ajouter qu'il est capable d'honorer le choix qu'on ferait de lui pour l'un ou l'autre poste indifféremment. Le marquis joint encore à tant de désirs ambitieux les prétentions de la galanterie : il voudrait être en même temps sur la frontière, dans une cour étrangère, au bureau de l'administrateur et aux pieds de sa maîtresse. La vie entière de ce seigneur suffit à peine à l'émission de ses vœux.

     « Je voudrais dormir plus vite » disait-il un jour à un de ses amis ...."

 


 

 UN TEXTE VISIONNAIRE !!

"Réflexions sur l'esprit public"

transmises en Octobre 1785 par lettre au Roi Louis XVI par Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries,

Maréchal de France en 1783, Ministre de la Marine Royale et des Colonies de 1780 à 1787.

 

     " Il y a déjà longtemps que des mécontents multipliés se sont fait remarquer dans le royaume et que l'on s'est aperçu de l'altération de l'esprit national. Les objets ne sont pas vus à Versailles sous les mêmes rapports qu'à Paris et dans les provinces. Il importe d'apprécier les effets de ces différents genres d'esprits et d'en préjuger les conséquences en les combinant. Il faut encore distinguer dans cette recherche le fanatisme des gens de parti et le dévouement trop grand des gens dévoués à l'autorité.

Dans la plupart des sociétés, Sire, il y a des esprits légers, mécontents ou frondeurs, qui donnent le bruit du moment pour l'impression constante de la nation.

     Il faut tenter de ne se laisser ni aveugler ni prévenir. Peu de gens sont en état d'asseoir avec sureté leur sentiment sur des résultats généraux et les ministres du roi qui ont le plus d'intérêt à démêler la vérité n'ont chacun qu'une portion des moyens nécessaires pour l'approfondir et la fixer. Il faut cependant y parvenir si l'on ne veut pas que les affaires ruinent sourdement l'autorité royale.

     La plaie la plus douloureuse pour un gouvernement c'est le mépris. Oserai-je dire que, par malheur, on ne peut se dissimuler que l'administration publique commune en a été atteinte? Cependant ce n'est que par les effets d'une grande considération que la France peut être actuellement administrée, vu l'état général des esprits.

     La considération est un résultat qui dépend de l'ensemble de la conduite d'un bon gouvernement et non pas de celle de tel ou tel ministre en particulier, mais de l'unité de leurs opérations, de l'esprit de justice qui y préside et de la fermeté qui en assure l'exécution. Il n'y a que Votre Majesté, Sire, qui puisse donner à votre autorité ce qui lui manque.

Si le roi n'est pas dans l'intention de donner à son empire le temps et l'intérêt que de si vastes possessions exigent, il faut que Sa Majesté se fasse suppléer afin qu'il y ait toujours un centre commun auquel toutes les branches de l'autorité se rapportent. Une machine relâchée et mal organisée va encore longtemps dans les temps calmes, mais si les orages commencent, elle se décompose et tous les maux en résultent sans qu'on puisse en fixer les bornes. Il est fort à craindre que le royaume se trouve dans la situation dont je viens de parler.

     On dit sans cesse au Roi dans son Conseil que ce sont les philosophes du temps qui donnent le ton frondeur qui y règne, on assure que les provinces n'ont pas le même esprit, et, en effet, quelques faits en donnent l'espérance.

Mais on ne peut se dissimuler que les remontrances des tribunaux sur l'excès de l'impôt n'aient altéré l'esprit public, que l'irrégularité de la répartition ne choque le peuple et que l'administration des finances ne présente à la foi publique aucune confiance.

Si dans cette situation des choses, il n'y a personnes à la tête des affaires qui ait la main assez forte pour contenir ou pour réprimer les corps politiques qui paraissent vouloir toujours envahir, il ne faut qu'une étincelle pour embraser le pays et le détruire.

     Si ces réflexions ont le malheur de déplaire à Votre Majesté, si on trouve les causes auxquelles elles se rapportent plus ou moins exagérées, elles n'en méritent pas moins quant au fond l'attention la plus sérieuse de Sa part. Je La supplie de daigner approfondir le degré de vérité et de justesse qu'elles peuvent avoir, car elles sont d'une grande importance."

CASTRIES            


Un exemple de lettre de la main de

Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries

Maréchal de France castries

Lettre manuscrite de Charles-Eugène-Gabriel de La Croix de Castries, alors Maréchal de France, signée de sa main vers 1795. Avec l'âge l'écriture du Maréchal était devenue pratiquement impossible à déchiffrer. Ses courriers étaient souvent écrits par son secrétaire ou par sa famille

     Texte de la lettre:

     J'ai eu trop à écrire Monsieur au départ de Mr de Voll pour répondre à la lettre que vous avez eu l'attention de m'écrire. Vous connaissez mes sentiments depuis trop longtemps pour pouvoir douter de mon intérêt. Votre conduite militaire comme celle que je vous ai vu tenir depuis, dans une carrière différente, m'inspire la plus grande estime pour vous.

Je recevrai toujours avec plaisir de vos nouvelles et serai tout aise d'avoir des occasions de vous donner des preuves de mes sentiments.

     J'ai l'honneur d'être Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur.

à Eisenach ce 4                                                                                                                                   Le Maréchal de Castries